Un cri abominable avait secoué les fondations de Rzamlat Hatil. Les anciennes ruines dwemer étaient d'ordinaire silencieuses si l'on exceptait le chuintement de machines aux fonctions oubliées qui continuaient, sans qu'on sache comment, de s'agiter dans des jets de vapeur bouillante. Pourtant, très tôt ce matin, un cri horrible avait retenti à proximité des quartiers nobles. La Matriarche Areleth, réveillée en sursaut, s'empara de son sceptre de guerre, une arme magnifique ornée d'un croissant de lune. Réveillée également, sa plus jeune fille, Nephalethys, la rejoignit dans l'antichambre.
"Que se passe-t-il, Mère? Quel est ce cri horrible?"
Areleth fit signe à sa fille de se taire. Elle demeurait là, aux aguets, l'oreille tendue. Quelque chose dût l'alerter plus que d'habitude car elle fit signe à sa fille de se réfugier dans les tuyauteries complexes du plafond. La jeune elfe était souple et rapide, elle eut tôt fait de se hisser dans les antiques conduites de bronze et de cuivre. Elle se tenait sur une plateforme à plusieurs mètres du sol, une grande plaque grillagée de métal brun jaune Couchée sur le ventre, elle regardait ce qui se passait en bas. Sa mère demeurait immobile, le sceptre tendu devant elle, ne quittant pas la gigantesque porte d'airain qui donnait sur le reste du complexe. Pendant un temps, on n'entendit que le bruit habituel et réconfortant des machines. Puis, alors que le calme semblait avoir regagné le quartier, la porte s'ouvrit... Doucement...
Un corps, ou plutôt la moitié d'un corps, tomba sur le sol avec un bruit liquide et mou. Le torse, séparé des jambes, roula dans une parodie de valse macabre. Maelith, la garde du corps d'Areleth venait d'achever sa dernière danse. Une silhouette, bien plus menue, en armure rouge et or, fit son entrée.
Valyne R"zamlathatil essuia la lame de sa longue épée sur les tentures de l'antichambre et la rangea au fourreau. Elle se planta devant Areleth.
"Et bien, et bien... Chère Mère... On dirait que le moment est enfin arrivé. Mais... Je suis contrariée. Très contrariée."
"Valyne, qu'est ce que ça signifie ? Quel est ce chaos? Et qu'est-il arrivé à Maelith?"
"Oh, Mère... Vous me décevez... Je vous croyais un peu plus intelligente que ça. Alors je vais répondre à vos stupides questions. Ce que ça signifie, c'est que les choses vont changer. Quel est ce chaos? C'est le signe que les choses ont changé. Quant à ce qui est arrivé à Maelith, c'est évident : elle est morte ! Et je vais même préciser... Elle est morte parce que je l'ai coupée en deux."
Areleth regarda sa fille aînée fixement, ne laissant paraitre aucune émotion. Ni surprise, ni crainte. Peut-être une vague trace d'agacement ou de colère contenue.
"Mais comme je vous le disais, Mère, je suis très contrariée. Très contrariée car je sais que le petit ragnard qui est sensé être ma soeur était avec vous. Et... J'aurais préféré qu'elle n'ait pas à devenir orpheline avant de mourir. C'est que j'ai du coeur, moi... Je n'aime pas faire des orphelins. C'est triste, ça pleure."
Areleth ne put réprimer un mouvement de recul.
"Alors c'est ça? Tes rêves de grandeur et de violence ont fini par te retourner contre ton propre sang? "
Valyne éclata de rire, un rire à la fois moqueur et mauvais.
"Mon propre sang... Un clan de petites voleuses sans ambitions... Une mère qui peine à se faire respecter, une soeur qui à tout d'un petit rongeur fouineur qu'on voudrait écraser du pied... C'est ça que TU appelles mon sang?'
Areleth reculait à présent. Son sceptre toujours tendu devant elle. Valyne dégrafa la dague effilée qui pendait à sa ceinture.
"C'est aujourd'hui que ton règne prend fin, Areleth... Aujourd'hui que tu meurs !"
Le ton de la voix de Valyne était glacial et cassant. Areleth voulut bredouiller un sort de défense, au lieu de cela, son instinct maternel la fit hurler.
'NEPH ! FUIS, NE T'OCCUPE PAS DE MOI... FUIS, F..."
Le dernier mot s'effaça dans un gargouillis. La dague de Valyne venait de lui trancher la gorge.
"Oh oui, sale ragnard, fuis... Fuis avant que je sorte tes tripes de ton immonde carcasse..."
Progressant silencieusement dans l'enchevêtrement de conduites et de plateformes surplombant la salle, Nephalethys, le coeur battant à tout rompre, se dirigea vers la vieille conduite éventrée qui menait à la rivière souterraine. Son domaine secret. Là, elle serait en sécurité... Pour un temps.
