Ma douce Sœur,
Près de trois longues semaines déjà depuis ma dernière lettre, que tu as dû recevoir, je pense, depuis peu. Les nouvelles manquent de fraîcheur mais tu seras heureuse d’apprendre que je suis arrivée saine et sauve dans la Marche de la Camarde. A vrai dire, j’ai été plutôt agréablement surprise par les paysages de cette région khajiit, que j'ai pu contempler lors des longues journées à cheval. Il y avait au moins cela pour compenser le caractère renfrogné de l’ainée des Conti. Cette femme est d’une incroyable ambivalence : capable d’être la plus acharnée et vive des combattantes, elle se montre souvent froide et butée à mon égard. Je me demande encore par quel miracle elle a accepté de me laisser l’accompagner. Sans doute pense-t-elle que je le suis redevable de quelque chose. En tous cas, cela m'a amusé pendant tout le reste du trajet! Je ne doute pas que tu comprendras sans mal l’ironie d’une dette dans notre profession…
Mais je m’égare, encore, et je risque de me retrouver à court d’encre - et de forces - avant de t’avoir raconté le plus amusant de mon voyage. Figure-toi, chère Sœur de cœur, que Tide Conti – toujours elle – m’a abandonné à trois lieues de son domaine, situé sur les hauteurs d’Arenthia. Un messager du Domaine est venu à sa rencontre peu après notre arrivée à la Marche de la Camarde l’informant de je-ne-sais quel évènement sur le front. Il ne lui en fallait pas plus pour délaisser ma charmante compagnie ! Elle a tout de même envoyé prévenir chez elle de mon arrivée, mais j’avais quelques doutes quant aux consignes qu'elle y donnerait me concernant. Allais-je être présentée comme une nouvelle servante, une mercenaire, une saltimbanque ? Avec cette Conti, tout était possible.
Ainsi donc laissée seule, je m’empressais de dénicher quelques informations en ville sur les hôtes de cette imposante demeure. Visiblement, il n’y avait plus que les enfants Conti à résider ici. Tide, qu’on voyait peu, toujours en guerre, et un certain Reno, bellâtre musculeux aux ordres de sa sœur. Le père, quant à lui, avait été déclaré mort ou disparu depuis quelques années. La famille semblait néanmoins appréciée par les habitants que je rencontrais et nombreux d’entre eux me parlaient du fils cadet avec chaleur. Il les avait déjà aidés à plusieurs reprises à calmer ou à faire reculer les forces coloviennes qui asservissent le pays.
Tu te douteras, ma tendre Sœur, que j’avais pris soin de mettre tous les atouts de mon côté quand je me présentais au domaine pour la première fois. La bâtisse était impressionnante et somptueuse, mais d'une richesse mesurée. Elle n'était pas de cette opulence exubérante dont font preuve certains nantis de la Côte d'Or, par exemple. En entrant dans la cour, je rencontrais un jeune homme en pleine séance d’exercices. Je t’avouerai que l’espace d’un instant, je me suis sentie rougir à la vue de ce torse nu et musclé. Des pensées indisciplinées m’assaillirent, me rappelant avec stupeur la dernière fois où j’avais pris un peu de bon temps sans que cela ne soit lié à une "affaire" pour Notre Mère… Passons…
Cet homme, c'était Reno Conti. Dès qu’il m’aperçut, il se révéla être un vrai chien fou. Il n’avait pas peur de flatter et j’ai cru deviner à sa façon d’agir qu’il était aussi surpris que moi de cette rencontre. A ce jour, je n’ai toujours pas osé demander ce que Tide Conti a pu lui raconter sur moi… Quoiqu’il en soit, il me fit rapidement l'effet de quelqu'un facilement manipulable. Quelques décolletés, maladresses et mensonges bien placés devraient suffire à le convaincre de m'aimer... J’espère simplement qu’il ne me faudra pas trop de temps pour obtenir ce que je veux…
Le jour décline ma Sœur, et les ombres glissent sur mon parchemin. Je trouverai plus de courage au matin pour te conter la suite de cette rencontre, et comment nous avons notamment chassé des Coloviens et renvoyé en Oblivion des créatures daedriques ! Pour l’heure, je suis juste épuisée et fourbue ! Je te fais parvenir néanmoins cette missive dès ce soir, en espérant que tu la recevras dans de meilleurs délais!
Que tes nuits soient sereines,
Rayon de lune capturé par ma lame,
Où que tu sois,
Je veille sur toi,
Ta Soeur,
Iveri Sarothril
P.S. Au fait, j’ai trouvé ce petit proverbe khajiiti dans une auberge de Dune. J’espère qu’il te plaira :
« Si vous voulez rendre un combat ennuyeux, livrez-le loyalement »